Lena Rocca : « Mon projet, c’est de monter une team 100 % féminine »

Considérée comme l’une des pionnières de l’esport féminin luxembourgeois, Lena Rocca jongle entre ses études de biologie, ses défilés en tant que modèle et… les jeux vidéo, une passion qui l’a menée aux Championnats du monde, il y a un an. Entre discriminations, freins à devenir professionnelle et objectif de monter une team 100 % féminine, la Luxembourgeoise se confie.

Peux-tu te présenter en quelques mots ?

Je m’appelle Lena, j’ai 24 ans, et je suis en master de biologie à l’université d’Aix-la-Chapelle en Allemagne. À côté de ça, je suis modèle et j’ai une passion pour les jeux vidéo.

Comment est venue ta passion pour les jeux vidéo ?

Ça a commencé très jeune. J’ai deux frères, et ils m’ont d’abord fait découvrir la Nintendo DS vers 10 ans, puis la PlayStation 2, j’ai toujours joué avec eux.

Et de jouer à un niveau supérieur ?

C’est venu naturellement, mais je n’ai pas forcément eu envie d’être professionnelle parce que je sais que c’est difficile de le devenir au Luxembourg, mais j’ai toujours eu dans l’idée d’être compétitive.

Donc tu n’as jamais eu envie de franchir un cap pour devenir professionnelle ?

Quand j’ai commencé mes études en secondaire, puis à l’université, je savais que je n’aurais pas forcément le temps pour jouer comme je le voulais. Avoir huit heures de cours par jour et s’entraîner intensivement. J’ai vu que je n’avais ni le temps ni le niveau pour devenir professionnelle.

L’année dernière, tu as quand même participé aux Championnats du monde à Bali. Qu’as-tu retenu de cette expérience ?

Ça fait un an qu’on s’est envolés pour Bali et c’était… waouh, une expérience exceptionnelle ! Je sais que je n’aurai pas l’occasion de faire ça tous les ans parce que la concurrence est de plus en plus élevée, donc j’ai conscience de la chance d’avoir été là et d’avoir fait mes premiers pas dans le monde du gaming professionnel avec une team.

« Pour moi, ce n’était pas forcément des remarques, mais plutôt des regards qui voulaient dire ‘’qu’est-ce qu’elle fait ici’’ »

C’est là que tu as découvert le monde de l’eSport pro. Quelles différences as-tu vues avec le monde amateur ?

J’ai beaucoup parlé avec d’autres joueurs et joueuses. Ils s’entraînent huit à neuf heures par jour, sauf les week-ends où ils sont plutôt sur des tournois. C’est vraiment dur. Ils aiment ça, mais c’est un métier, ils ont des entraînements avec un coach…

Que cela fait-il d’être une femme dans un monde majoritairement masculin ?

Ce que les gens pensent souvent, c’est que les femmes ne devraient pas jouer aux jeux vidéo, et je crois que c’était encore pire il y a quelques années. À Bali, on voyait que ce n’était pas la norme de voir des femmes professionnelles. Il n’y avait d’ailleurs qu’une seule team féminine. Si on regarde le pourcentage de femmes par rapport aux hommes, on se rend vite compte de la différence.

Tu as été touchée directement par cette discrimination ?

Pour moi, ce n’était pas forcément des remarques, mais plutôt des regards qui voulaient dire « qu’est-ce qu’elle fait ici ? » La team de filles, par contre, recevait beaucoup de messages de joueurs sur Twitter, Instagram… J’avais en quelque sorte la chance d’être dans une team mixte et je n’étais pas trop visée par ça, donc j’étais calme.

Comment réagis-tu à ça ? 

Ça dépend de ce qu’ils disent, mais quand je jouais sans team, j’ai reçu « retourne dans la cuisine », par exemple. Je les mute parce que je sais que ça ne sert à rien de discuter avec eux. Changer la pensée de quelqu’un en dix minutes, c’est difficile. Je ne vois pas l’intérêt de faire ça, mais je reste plutôt calme. Après, si c’est une personne que je croise dans la rue, je parle avec elle et je lui explique que ça ne sert à rien d’avoir cette mentalité et que ce n’est pas bien de penser comme ça. Que tu sois un joueur professionnel masculin ou féminin, ça ne change absolument rien.

Quel message aimerais-tu faire passer aux filles qui voudraient se lancer dans l’eSport ?

Si on aime jouer aux jeux vidéo et qu’on a l’ambition de devenir joueuse professionnelle, il faut y aller, se lancer. On peut se renseigner auprès de la fédération pour voir comment passer les étapes pour devenir pro. Il ne faut pas écouter les gens qui te disent que tu ne peux pas parce que tu es une fille ou que c’est difficile, il faut y aller, même contre l’avis des gens, croire en soi et être motivée.

Quels sont tes projets ?

Mon projet, ce serait de monter une team de filles sur CS : GO l’année prochaine. En faisant plus de publicité sur ça, j’espère trouver des filles et jouer des qualifications pour les Championnats du monde.

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